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élites mondialisées - Page 3

  • Enracinement et universalisme...

    « Le déracinement intégral (…) constitue bien, pour tout libéral conséquent, l’unique condition préalable de toute société réellement libre et universelle. »

    Vous pouvez lire ci-dessous un extrait d'un entretien avec Jean-Claude Michéa, publié dans le journal espagnol El Confidential, et reproduit sur Ragemag. Auteur de plusieurs essais essentiels, Jean-Claude Michéa a récemment publié Le complexe d'Orphée - La gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès (Climats, 2011).

     

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    1/ Pourquoi les élites font-elles l’éloge d’un mode de vie nomade et itinérant ?

    La mobilité perpétuelle du capital et du travail est au cœur même de la logique capitaliste. Elle est le seul moyen – soulignait déjà Adam Smith – de permettre à l’offre et à la demande de s’ajuster de façon optimale. De là, la nécessité libérale d’un monde sans frontières dont l’invitation permanente à la mobilité – géographique ou professionnelle – constitue aujourd’hui la valeur centrale. Dans la mesure où la gauche occidentale contemporaine considère désormais ce cadre du capitalisme mondialisé comme historiquement indépassable – au nom de l’idée, médiatiquement imposée par Bernard-Henri Levy et les « nouveaux philosophes », selon laquelle toute volonté de rompre avec le capitalisme ne pourrait conduire qu’au goulag – il est donc logique que la célébration du caractère émancipateur de la mobilité généralisée soit devenue un rouage essentiel de son nouveau programme. Le problème c’est que ce mode de vie « nomade » (qui est d’abord, on l’oublie trop souvent, celui des élites globales et du monde médiatique) ne saurait être universalisé sans contradiction.

    Contrairement à l’illusion que s’efforcent de répandre les classes dirigeantes, il faut rappeler, en effet, que le fameux « tourisme de masse » ne met en jeu que 4% de la population mondiale et que l’immigration, au sens strict, n’en concerne que 2% (même en comptabilisant les nombreux « expatriés » des pays riches). Si ce nouveau mode de vie sans frontière devait devenir la norme – comme le capitalisme global l’exige à présent – on se heurterait donc rapidement à des problèmes écologiques et énergétiques insurmontables (sans même prendre en considération le fait qu’il rendrait impossible tout investissement affectif durable et tout lien social solide). L’ONU elle-même reconnaissait, dans un rapport récent, que d’ici 2050 il sera absolument indispensable de réduire de façon drastique « les transports automobile et aérien et le commerce international à longue distance ». Avec cet éloge du mode de vie migratoire et de la mobilité généralisée on retrouve donc, sous une autre forme, l’éternel problème que posera toujours le projet libéral d’une croissance infinie dans un monde fini.

     

    2/ Comment articuler enracinement et universalisme ?

    La question de l’enracinement est particulièrement complexe, ne serait-ce que parce qu’elle autorise bien des dérives. Il faut donc d’abord rappeler – conformément aux enseignements de base de l’anthropologie et de la psychanalyse – que l’aptitude à donner, recevoir et rendre (c’est-à-dire l’aptitude à dépasser son idéal de toute-puissance infantile et à s’inscrire sous les chaînes humanisantes de la réciprocité) ne s’acquiert habituellement que dans ces relations en face à face qui définissent la socialité primaire (la famille, le village, le quartier, le lieu de travail etc.). Il est, en effet, extrêmement difficile d’accéder au sens des autres – ou d’intégrer une quelconque « loi symbolique » (Lacan) – quand on n’a jamais connu la moindre relation un peu stable ou, a fortiori, quand son seul partenaire est un écran d’ordinateur. Bien entendu, cela ne signifie pas que les dispositions à la solidarité qui auront pu prendre naissance dans ce cadre local s’appliqueront ensuite automatiquement aux autres groupes humains (nous savons bien, malheureusement, qu’une communauté n’est jamais si unie que lorsqu’elle a su s’inventer des boucs émissaires). Le processus d’universalisation critique qui permettra éventuellement d’élargir à d’autres communautés les relations de confiance et de réciprocité forgées au sein de ces « groupes primaires » (Charles Cooley, 1864-1929) ne saurait être « naturel » (même si on ne doit pas négliger le fait que toutes les sociétés connaissent, par ailleurs, les principes de l’alliance et de l’hospitalité). Il exigera toujours un travail de remise en question éthique et politique, fondé sur la prise de conscience – comme l’écrivait Levi-Strauss – que l’humanité ne s’arrête pas aux frontières de la tribu. Et aucun « sens de l’histoire » ne rend un tel travail « inéluctable » ni même « irréversible »

    De ce point de vue, la critique des limites d’une vie purement locale – de son étroitesse culturelle et des risques de « repli identitaire » qu’elle inclut par définition – est forcément au cœur de toute démarche universaliste qui – à l’image de celle qui sous-tend le projet socialiste – entend bien élargir à des groupes humains toujours plus vastes, voire à l’humanité toute entière, le bénéfice de ces habitudes premières de loyauté, de générosité et de reconnaissance. Toute la question est alors de déterminer quelle conception des rapports dialectiques entre l’universel et le particulier est la plus à même de favoriser l’avènement d’une société véritablement « ouverte » et qui ne renoncerait pas pour autant à encourager cet esprit du don et ces pratiques de solidarité qui ne peuvent surgir qu’à partir d’un enracinement culturel particulier. Or pour les libéraux (et particulièrement pour les libéraux de gauche) la réponse ne saurait faire aucun doute. Leur philosophie utilitariste les amène toujours, en effet, à saisir les impératifs traditionnels du don et de la réciprocité sous leur seul aspect « étouffant » et « culpabilisant» (un psychanalyste verrait sans doute dans cette forme d’affectivité un effet classique des ravages exercés dans l’enfance par une mère possessive et castratrice ou par un père absent).

    D’un point de vue libéral, l’idée même de dette symbolique – ce que nous devons, par exemple, à nos parents, nos voisins ou nos amis – ne peut être comprise que dans sa dimension contraignante (il suffit de relire Adolphe de Benjamin Constant) et jamais dans ce qu’elle peut aussi avoir d’humainement enrichissant et donc d’émancipateur. C’est pourquoi, aux yeux des libéraux, l’individu ne saurait connaître de liberté effective que s’il parvient à s’arracher définitivement au monde étouffant des appartenances premières (on songe à tous ces films hollywoodiens qui diabolisent les modes de vie de l’« Amérique profonde ») et à placer sa nouvelle existence – celle du self made man qui ne doit plus rien à personne – sous la seule protection tutélaire des mécanismes impersonnels du marché autorégulé et du droit procédural. Deux institutions censées être « axiologiquement neutres » et qui ne font appel, par définition, qu’à l’« égoïsme rationnel » du sujet (Ayn Rand), sans jamais exiger de lui la moindre implication psychologique ou morale. En ce sens, le déracinement intégral (dont la figure platonicienne de l’ « intellectuel sans attache » de Karl Mannheim représente une forme extrême) constitue bien, pour tout libéral conséquent, l’unique condition préalable de toute société réellement libre et universelle (et c’est ce qui explique, au passage, que le mépris de la vie paysanne ait toujours formé le noyau dur de l’imaginaire capitaliste).

    Tout le problème est ainsi de déterminer dans quelle mesure un monde sans frontière, qui se serait émancipé de toutes les contraintes traditionnelles du don et de l’échange symbolique, pourrait encore être dit véritablement humain. S’il est clair, en effet, que l’expérience locale ne peut jamais constituer que le point de départ de l’aventure humaine, il est non moins clair que c’est le développement dialectique des acquis moraux et culturels liés à cette expérience première – et non leur négation abstraite – qui seul pourra conduire à un monde effectivement commun, autrement dit à un monde dont les valeurs universelles ne seront jamais séparables du cheminement concret qui aura permis à chaque peuple – à partir de ses traditions culturelles particulières – de se reconnaître en elles et de se les approprier (rien n’est donc plus absurde, de ce point de vue, que l’idée qu’on pourrait exporter les « droits de l’homme » par la seule force des baïonnettes). C’est ce que Miguel Torga avait su formuler de façon admirable lorsqu’il écrivait, en 1954, que « l’universel, c’est le local moins les murs » (le penseur occitan Felix Castan évoquant, quant à lui, l’idéal d’un monde situé « à mi-chemin du tout abstrait et du tout enraciné »). C’est pourquoi le célèbre avertissement que Rousseau avait placé au début de l’Emile s’applique plus que jamais au monde uniformisé du marché-roi et du droit abstrait. « Défiez vous – écrivait-il – de ces cosmopolites qui vont chercher au loin dans leurs livres les devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares pour être dispensé d’aimer ses voisins ». C’était assurément une critique lucide et prophétique de ces nouvelles élites globales (et de tous ceux qui en ont intériorisé l’imaginaire touristique) qui entendent désormais décider du destin de tous les peuples de la terre en fonction de leur seul intérêt égoïste. Il est à craindre, en effet, qu’un « citoyen sans frontière » ne puisse jamais devenir un véritable citoyen du monde.

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  • Florange sacrifié sur l'autel du mondialisme ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Drac, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la capitulation du gouvernement dans l'affaire de l'acierie de Florange. Michel Drac est l'animateur du site Scriptoblog et est l'auteur de plusieurs essais comme Crise ou coup d'état ? (Le Retour aux sources, 2009) ou Crise économique ou crise du sens ? (Le retour aux sources, 2010).

     

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    Florange sacrifié : au profit de qui ?

    Lors du débat récent sur le site sidérurgique de Florange, nous avons assisté à l’opposition médiatique de deux discours simplistes : d’un côté, les partisans du maintien de l’activité ont jugé le site conforme aux normes de rentabilité exigées par le marché ; en face, leurs adversaires ont soutenu la thèse inverse. Opposition frontale, argumentaires fragiles : les médias ne nous ont offert que très peu d’informations approfondies. Quid des processus sur site ? Leurs inducteurs de coûts ? L’analyse de la valeur de leurs outputs ? On n’en saura rien, ou presque.

    Mais sans doute n’était-ce pas vraiment de technique qu’il était question.

    Débat médiatique, rideau de fumée. L’agressivité des échanges révélait un non-dit : la véritable interrogation porte souterrainement sur le cadre conceptuel de l’analyse et non sur ses conclusions. Un véritable débat oppose ceux qui jugent Florange dans le cadre conceptuel défini par le libre-échange inéquitable, les marchés financiers dérégulés et le monétarisme laxiste contemporain, à ceux qui raisonnent hors de ce cadre.

    Allons à l’essentiel : énoncer que le critère de décision principal relatif à la continuation de l’exploitation à Florange est la rentabilité du site, du point de vue des actionnaires et selon les normes des marchés financiers, c’est affirmer que ce site existe en premier lieu pour rémunérer le capital nomade et spéculatif. On pourrait très bien opposer à ce point de vue actionnarial un point de vue productif : dans cette optique, le site de Florange existerait d’abord pour répondre aux besoins en acier de l’économie physique.

    Ici, un tel renversement de perspective est d’ailleurs très plaidable. La sidérurgie n’est pas une activité en déclin. On n’a jamais produit autant d’acier dans le monde : 1,4 milliards de tonnes par an. Et ce n’est pas fini. Nous allons vers de grands bouleversements dans la métallurgie : de nombreux minerais vont être éteints à l’extraction primaire dans les décennies qui viennent. Une des pistes envisageables pour des substituts acceptables réside dans le développement d’alliages à base de fer mimant les propriétés des métaux non ferreux. C’est dire si la sidérurgie de haute technicité est un métier d’avenir. La rentabilité de court terme offerte au capital spéculatif ? Mais il s’agit de la robustesse future des économies européennes !

    Bien sûr, un tel débat est interdit. Montebourg prononce le mot de « nationalisation », et déjà montent au créneau les défenseurs de l’économie globalisée. Où l’on verra un BHL trancher la question, lui qui n’a probablement jamais vu fonctionner un laminoir, mais a, en revanche, très bien compris que dans l’intérêt d’une hyperclasse globalisée parasitaire et prédatrice, il ne doit pas tolérer le pourtant nécessaire débat sur le cadre conceptuel de la décision économique.

    Michel Drac (Boulevard Voltaire, 26 décembre 2012)

     

     

     

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  • Circus politicus !...

    Les éditions Albin Michel viennent de publier Circus politicus, une enquête des journalistes  Christophe Deloire et Christophe Dubois consacrée au système de domination que l'hyperclasse met en place progressivement. Un ouvrage intéressant et utile destiné au grand public, mais qui, curieusement, omet de citer le travail remarquable d'investigation accompli sur ce sujet par Emmanuel Ratier avec sa lettre bimensuelle d'informations Faits&Documents...

     

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    "Circus politicus révèle les dessous d’un véritable « putsch démocratique », une tentative de neutralisation du suffrage universel par une superclasse qui oriente la décision publique. Il montre comment le Pouvoir a capitulé devant les puissances financières. Il dévoile les stratégies de double discours et d’hypocrisie française entre Paris et Bruxelles. Histoires, anecdotes, preuves, documents… tout dans ce livre tend à démontrer que les Indignés ont raison de réclamer une « vraie démocratie » ! Entrons dans ce Circus politicus où le peuple est jugé dangereux et la démocratie archaïque. Nous voici dans les réunions ultra secrètes des Conseils européens où tout se joue, dans les coulisses, dans de mystérieux clubs d’influence où les banquiers américains expliquent la vie à nos politiques, dans les officines et les bureaux d’agents secrets…
    La France est sous la tutelle d’un pouvoir aveugle. La souveraineté, nationale ou européenne, n’est plus qu’une image pieuse entretenue par des « idiots utiles ». Une enquête inédite, iconoclaste qui fait surgir une réalité qu’il vaudrait mieux affronter plutôt que de la nier."

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  • Les guerres de l'Empire global...

    Les éditions de La Découverte publient prochainement Les guerres de L'Empire global, un essai d'Alain Joxe. Spécialiste des question stratégiques et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, Alain Joxe est l'auteur de plusieurs essais comme Voyage aux sources de la guerre (PUF, 1991) ou L'Empire du chaos (La Découverte, 2002).

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    "Crise de l'euro et des dettes souveraines, occupations qui s'éternisent en Afghanistan ou en Palestine, restrictions des libertés liées à la lutte antiterroriste, corruption des élites, soulèvements des peuples : comment comprendre ce sombre panorama des premières années du XXIe siècle ? Comment expliquer que les États et l'ONU ne parviennent pas à enrayer cette spirale de désordres ?
    Dans cet essai ambitieux, Alain Joxe répond à ces questions en analysant toutes les dimensions de l'empire global du néolibéralisme - qui déborde l'empire américain. La mondialisation de l'économie et de la finance vise à accumuler des profits sans limites, à enrichir les riches et appauvrir les pauvres. Une nouvelle noblesse rentière dénationalisée consacre ainsi la souveraineté des entreprises, au détriment de la fonction protectrice des États. Cette profonde mutation politique conduit à transformer les missions militaires en doctrines policières. Et un nouvel arsenal informatisé surgit (drones et munitions spéciales), utilisable contre les soulèvements populaires dans les pays du Sud comme du Nord. Alain Joxe montre ainsi comment la « révolution électronique » a entraînéà la fois la gestion informatisée des « marchés » et la robotisation de la guerre.
    Mutations économiques, militaires et technologiques se combinent dans une accélération des décisions qui efface le temps long du politique et fabrique un système incapable de réguler la finance ni la violence. Pour en finir avec la dictature des marchés, une mobilisation éthique commence en faveur de la conversion de l'Ancien Monde en union fédérale solidaire, qui seule pourra restaurer la démocratie sociale à bonne échelle en maîtrisant la crise économique."

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  • Quel jeu pour l'hyperclasse en 2012 ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue intéressant de Georges Feltin-Tracol, cueilli sur le site Europe maxima, dans lequel il analyse les stratégies qui pourraient être celles de l'hyperclasse (ou des élites mondialisées, comme dirait Eric Zemmour) dans la perspective des élections présidentielles. Animateur du site Europe Maxima, Georges Feltin-Tracol a publié deux recueil d'articles aux éditions Heligoland : en 2009, Orientations rebelles, et en 2011, L'Esprit européen entre mémoire locale et volonté continentale.


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    Le jeu de l'hyperclasse pour 2012

    Il ne fait guère de doute que 2012 sera une année décisive. Non pas parce qu’elle marquerait la « fin du monde » selon une prédiction du calendrier maya, mais plus sûrement parce que cette année connaîtra des élections présidentielles en Chine, aux États-Unis, en Russie, au Venezuela, au Mexique et en France. Du fait de ces échéances cruciales et des effets durables d’une crise économique féroce, l’hyperclasse se montre attentive à l’évolution politique de ces pays, Hexagone compris…

     

    L’« hyperclasse » : un ensemble composite

     

    Désignée d’abord par Christopher Lasch en tant que « Nouvelle Classe » (1), puis définie comme une « Oligarchie » transnationale, l’hyperclasse est un ensemble mondialiste fortuné, richissime même, qui veut imposer sa domination sur les États au moyen des médias, des marchés et de la dette souveraine (bel oxymore !). Rapportant les conclusions d’une étude de trois chercheurs suisses mise en ligne sur Plos One, Emmanuel Ratier évoque dans son excellente lettre confidentielle « une “ super-entité économique dans le réseau global des grandes sociétés ” […]. Sur ces 147 firmes, les trois quarts appartiennent au secteur financier. Il existe donc un véritable “ syndicat caché ”, un “ État profond ” de la finance apatride et cosmopolite, qui contrôle l’essentiel de l’économie […]. Les liens entre ces dirigeants, ces “ traders ” vedettes et les gouvernements font qu’il s’agit d’un petit milieu très étroit, où les modes, les erreurs, les alliances font qu’une seule décision (en particulier une mésestimation ou une erreur) peut avoir des conséquences colossales sur l’ensemble du système (2) ». Dans L’oligarchie au pouvoir, Yvan Blot examine son pendant hexagonal qui « comporte les dirigeants des intérêts économiques les plus divers, grand patronat, grands syndicats, associations diverses souvent prétendument à but non lucratif mais à activités souvent affairistes, lobbies ethniques poussant leurs avantages, etc. Ce socle est très important car il sert souvent de base financière aux autres parties de l’oligarchie (3) ». Il y intègre aussi sous ce terme générique la « caste » médiatique, les « autorités morales », les politiciens et les appareils bureaucratiques.

     

    Unie par des valeurs communes, les mêmes codes culturels et des endroits identiques (Davos), l’hyperclasse n’en demeure pas moins un groupe hétérogène parcouru par des antagonismes parfois vifs en raison des sensibilités nationales, des contentieux économiques, des inimités personnelles. Nul n’ignore que deux des plus grandes fortunes françaises, François Pinault et Bernard Arnault, ne s’apprécient guère… « On croit que le libre-échange globalisé a engendré une oligarchie transnationale, prévient Emmanuel Todd. Parce qu’on fait abstraction des facteurs culturels, on ne voit pas qu’il existe plusieurs oligarchies dont les relations sont structurées par d’implacables rapports de forces. La spécificité de l’oligarchie française, c’est sa proximité avec la haute administration. Les membres ont souvent étudiés dans de grandes écoles – sans forcément être des héritiers -, parlent en général très mal l’anglais, sont incroyablement français dans leurs mœurs et n’en finissent pas de se faire rouler par les vrais patrons, l’oligarchie américaine. La soumission à Standard & Poor’s et Moody’s est une soumission à l’oligarchie américaine. Quant à l’oligarchie allemande, nouvelle venue dans le système de domination, elle s’habitue ces jours-ci à traiter les Français comme de simples vassaux. Le charme singulier de l’oligarchie chinoise est son étroite intrication avec le Parti communiste. La plupart des analystes passent à côté de cette hétérogénéité (4). »

     

    L’hyperclasse, pour le moins la part qui s’intéresse à l’Europe,  s’inquiète de la montée du « populisme », en particulier en France, vieille terre de jacqueries, d’émeutes et de révolutions. Elle craint qu’une éventuelle vague populiste n’affecte durablement son ascendance. Elle s’emploie à conjurer ce risque en s’assurant d’une maîtrise certaine des événements. Longtemps, son champion à la course élyséenne destiné à remplacer l’actuel locataire déconsidéré et dévalorisé, fut Dominique Strauss-Kahn. Au printemps 2011, quelques sondages mettaient Marine Le Pen en tête du premier tour. Cette véritable manœuvre de guerre « psychologique et médiatique » prévoyait d’écarter du second tour Nicolas Sarközy et d’assurer ainsi une large victoire « républicaine » et pseudo-consensuelle à D.S.K. Cependant, un regrettable événement hôtelier survenu à New York ruina la belle mécanique. Dépitée et résignée, la « ploutocratie » a réparti son soutien entre Sarközy, François Hollande et François Bayrou qui assume sans complexes sa foi envers la présente politogénèse européenne mondialiste.

     

    Dans Le Point, Emmanuel Todd relève que « l’oligarchie se comporte comme une classe sociale, mais en même temps on sent en elle de l’irrationalité et même un vent de folie collective (5) ». Il estime par ailleurs que « le monde de l’oligarchie est un monde de pouvoir et de complots (6) ». Sans verser dans le délire conspirationniste, on peut néanmoins supposer qu’une faction de l’hyperclasse, redoutant un déchaînement incontrôlable de colères populaires suite aux méfaits de la crise, choisirait par défaut… Marine Le Pen !

     

    La ploutocratie contre les élections

     

    Soyons précis. La présidente du Front national n’est pas la candidate de l’hyperclasse, mais il est envisageable qu’une tendance, minoritaire, des « élites mondialisées » parie sur son hypothétique élection dans le dessein machiavélique de montrer aux peuples récalcitrants, aux Français d’abord, qu’il n’y a aucune alternative possible hors de la voie qu’elles ont préparée.

     

    Certes, la plus grande majorité des oligarques espèrent un second tour entre François Hollande et Nicolas Sarközy. Toutefois, le grain de sable n’est pas à exclure. Les électeurs français réfractaires aux injonctions médiatiques risqueraient de bouleverser le bel ordonnancement prévu, ce que les « pseudo-élites » détestent. Pour éviter toute perspective de nouveau « 21 avril 2002 » (à l’endroit ou à l’envers, peu importe), le plus simple serait d’empêcher la candidature de Marine Le Pen, perçue comme l’avocat radical du « petit peuple ». On sait que Jean-Marie Le Pen a toujours eu de très grandes difficultés pour récolter les cinq cents parrainages obligatoires. L’intercommunalité, le poids financier du département et de la région, l’influence de la partitocratie et le rôle délétère des médias mettent une incroyable pression sur les maires des communes rurales et des petits bourgs urbains. Incapable de réunir les signatures nécessaires, Marine Le Pen ne pourrait pas postuler à la magistrature suprême sans que les règles démocratiques ne soient formellement violées. Autre supposition : Marine Le Pen parvient à rassembler les parrainages indispensables. Sa candidature est cependant invalidée par le Conseil constitutionnel. Les hiérarques du Palais royal reviendraient sur leur jurisprudence de 1974 quand leurs prédécesseurs entérinèrent après débat la candidature du royaliste de gauche Bertrand Renouvin. Ils se justifieraient au nom du respect des traités européens et de l’abolition constitutionnelle de la peine de mort alors que Marine Le Pen prône la sortie de l’euro et propose un référendum sur le rétablissement de la peine capitale. Une décision pareille provoquerait en retour le mécontentement des électeurs et, peut-être, le début d’un « printemps tricolore » en écho aux révolutions arabes de 2011…


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    Si ces entraves ne se produisent pas, une infime minorité de l’hyperclasse estime vraisemblable que Marine Le Pen arrive au soir du 22 avril 2012 première ou seconde, puis remporte – à la surprise générale – l’élection. Mieux, dans la foulée et dans la logique institutionnelle de la Ve République, une nouvelle majorité présidentielle – frontiste ou lepéniste – gagnerait une confortable majorité à l’Assemblée nationale. Commencerait alors le subtil et pernicieux travail d’étouffement des oligarques.

     

    En effet, quand bien même une large majorité de députés suivrait la nouvelle présidente de la République, celle-ci se retrouverait cernée. Au-dessus d’elle la surplomberaient des « surveillants supranationaux » : l’O.N.U., l’O.M.C., l’O.T.A.N., l’Union européenne, la Cour européenne des droits de l’homme et le Conseil constitutionnel. Son gouvernement devrait composer avec un Sénat de gauche, la totalité des collectivités territoriales aux mains de l’opposition U.M.P.S. et l’hostilité des syndicats, de la magistrature et du Conseil d’État. Le pays serait en proie à des grèves générales pénalisantes pour la population. Par ailleurs, tout le système médiatique contesterait les moindres faits et gestes des membres de la nouvelle majorité (la campagne de presse contre les vacances tunisiennes de Michèle Alliot-Marie passerait alors pour une aimable réprimande…) et pratiquerait une large désinformation contre le pouvoir. Enfin, la haute-administration, gangrenée par des réseaux enchevêtrés d’intérêts catégoriels discrets, freinerait, retarderait, bloquerait les décisions précises au point de gripper l’appareil d’État. Dans les ministères, ce sont les fonctionnaires qui dirigent, pas les ministres. Yves Blot mentionne une anecdote révélatrice quand il était député R.P.R. du Pas-de-Calais lors de la Ire Cohabitation (1986 – 1988). Invité avec d’autres collègues de la majorité au ministère du Budget détenu par Alain Juppé pour suggérer des réformes, « on fait le tour de table et Juppé se tourne vers son conseiller fiscal, un haut fonctionnaire venant de la direction générale des impôts du ministère des Finances. “ Alors ? Que pouvons-nous réformer ? ” Réponse : “ Rien, Monsieur le Ministre. Toutes les propositions des députés sont en contradiction avec la doctrine de la direction ”. Là-dessus Juppé nous quitte et lance à son conseiller : “ Réfléchissez, vous changerez peut-être d’avis pour faire certaine réforme ”. Réponse du conseiller : “ Certainement pas, Monsieur le MInistre ! ” Je vais voir Juppé et je lui dis : “ Ton conseiller est    arrogant ! Tu ne vas pas le suivre ? ” “ Écoute, me répond-il : tu connais l’administration. Si je ne lui obéis pas, je ne contrôlerai plus aucune manette dans ce ministère ! ” (7) ». En 1995, Alain Madelin dut batailler ferme pour enfin savoir la rémunération des responsables des services de Bercy ! On les lui remit avec maintes précautions sur du papier spécial non photocopiable (8)…

     

    Médias, fonctionnaires, juges, syndicats et politiciens profiteraient de cette chienlit pour dénoncer l’incompétence et l’amateurisme des nouveaux dirigeants. Des pénuries de carburant, d’énergie, de produits de première nécessité surgiraient alors. Des violences (émeutes dans les banlieues, sécession de certaines collectivités au nom de l’« anti-fascisme » réactivé), fomentées par des officines clandestines spécialisées liées à des services spéciaux étrangers (étatsuniens, britanniques, allemands, algériens, chinois, israéliens…), plongeraient la France dans une subversion généralisée. Au bout de quelques mois ou années (mais pas cinq ans !), Marine Le Pen, désavouée, se verrait obligée de démissionner.

     

    Un pari oligarque risqué

     

    Une dernière hypothèse serait aussi plausible. Supputant sur le pragmatisme intéressé et l’attrait des palais officiels, l’Oligarchie pourrait tabler sur les précédents péruviens d’Alberto Fujimori entre 1990 et 2000 et d’Ollanta Humala en 2011, ou équatorien de Lucio Gutierrez en 2002 – 2005 et espérer un ralliement – contraint et forcé ? – de la nouvelle élue au Diktat du F.M.I., de la Banque mondiale et de l’hyperclasse.  Il en résulterait un immense désarroi des Français et une grande désaffection au profit de l’abstention, neutralisant ainsi des suffrages potentiellement contestataires.

     

    Ravie par cette élection, génératrice de désordres, et le travail de sape inhérent, l’hyperclasse pourrait favoriser un gouvernement de techniciens et d’« union républicaine » comme en Grèce avec Lukas Papadémos et en Italie avec Mario Monti. François Fillon, Martine Aubry ou même Jean-Claude Trichet s’installerait à l’Élysée ou à Matignon. L’hypothèse populiste française serait enfin levée pour le plus grand bonheur des ploutocrates et le grand malheur des Français désespérés.

     

    Mais ces circonstances dramatiques peuvent au contraire renforcer la ténacité de l’équipe dirigeante. Détentrice de la légitimité et seule capable de déterminer la situation d’exception, elle pourrait contrarier leurs projets par le recours à l’article 16 de la Constitution de 1958 ou la réalisation d’un coup d’État. La France n’est pas une terre de putschs. Seuls ceux organisés par l’exécutif ou des membres éminents de l’exécutif ont été des succès : Maupeou sous Louis XV en 1771, Napoléon Bonaparte les 18 et 19 brumaire an VIII, le Prince-Président Louis-Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851. Avalisé ensuite par une consultation populaire, le coup de force salutaire serait une prompte réponse aux menées oligarchiques. Quant aux pressions extérieures, la France dispose encore du droit de veto au Conseil de sécurité de l’O.N.U. et de la force nucléaire…

     

    Tous ces scenari appartiennent pour l’instant à de la politique-fiction. Rien ne présume que la France s’achemine à quatre mois de l’échéance présidentielle vers les tempêtes ainsi décrites. Tout annonce plutôt un duel Sarközy – Hollande. N’oublions pas toutefois que les présidentielles françaises ont toujours été propices à l’inattendu.

     

    Georges Feltin-Tracol (Europe maxima, 1er janvier 2012)

     

    Notes

     

    1 : En lançant cette expression de « Nouvelle Classe », Christopher Lasch avait peut-être à l’esprit les écrits dissidents du Yougoslave Milovan Djilas et du Soviétique Mikhaïl Voslenski qui disséquait la Nomenklatura communiste. L’hyperclasse est aujourd’hui la Nomenklatura de l’Occident mondialisé.

     

    2 : Emmanuel Ratier, dans Faits & Documents, n° 327, du 15 décembre 2011 au 15 janvier 2012, p. 8.

     

    3 : Yvan Blot, L’oligarchie au pouvoir, Paris, Économica, 2011, pp. 81 – 82.

     

    4 : Emmanuel Todd, « Annulons la dette du Vieux Monde ! », entretien, Le Point, du 1er décembre 2011.

     

    5 : Idem.

     

    6 : Id.

     

    7 : Yvan Blot, op. cit., p. 89.

     

    8 : Cette anecdote a été racontée par Jean Arthuis, sucesseur au ministère de l'économie, en 1995, de l'éphémère Alain Madelin... (Note de Métapo infos)

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  • La démondialisation, un concept réactionnaire ?...

    "La démondialisation est un concept réactionnaire" déclare Pascal Lamy, directeur de l'Organisation mondiale du commerce dans le Monde daté du 1er juillet 2011. Le petit soldat du mondialisme prendrait-il peur ? Pourtant, comme l'explique avec brio Hervé Juvin, nous ne couperons pas à un débat sérieux sur le protectionnisme...

     

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    Du contrôle des échanges au choix du consommateur

    La France est-elle encore une entité stratégique ? L’Union européenne a-t-elle quelques chances d’en constituer une ? Au moment où la multiplication de ses engagements militaires hors frontières pose question à la France, au moment où la perspective de consolidation politique de l’Union européenne semble incertaine, sinon condamnée, la question ne peut plus être évitée. La présentation, jeudi matin 16 juin, à la Maison de l’Amérique latine, d’un sondage réalisé par l’IFOP à l’initiative de Philippe Murer (1), avec notamment Emmanuel Todd, Jacques Sapir et Jean-Luc Gréau, a donné un tour économique et politique précis à la question ; la France, ou l’Europe, sont-elles encore en état de décider de leurs échanges avec l’extérieur ? Si le propre de tout système vivant est bien de gérer ses échanges, c’est-à-dire de prendre de l’extérieur ce qui le nourrit, l’enrichit et le conforte dans son être, de rejeter à l’extérieur ce qui le menace, l’appauvrit ou le contamine, le constat est sévère ; l’Union européenne n’a pas été le moyen pour les peuples européens de s’approprier leur destin, elle a été le moyen de les déposséder, et d’abord en substituant les comités et les experts au débat public et à la volonté collective exprimée par le principe majoritaire. L’histoire du principe de la préférence communautaire, d’abord favorable aux échanges entre pays et régions d’Europe, progressivement vidé de tout sens par la multiplication des accords assurant à des pays extérieurs des conditions  analogues d’accès au marché européen, est significative. L’histoire de l’ouverture aux mouvements de capitaux étrangers est tout aussi significative, le sommet étant atteint par la politique de placement des titres de l’Etat français par l’Agence France-Trésor auprès des investisseurs étrangers, aujourd’hui détenteurs de plus de 70 % de la dette publique, ce qui rend la France plus dépendante que toute autre du bon vouloir des agences de notation. L’histoire des abandons successifs qui ont permis d’ouvrir à tout vent l’espace Schengen, les renoncements progressifs au contrôle et à la gestion des populations résidant à l’intérieur de l’Union européenne, écrivent un autre chapitre de la haine des peuples par ceux qui assoient leur pouvoir sur une dissolution des Nations qui rétablit l’esclavage, qui autorise le trafic des êtres humains comme celui des terres ou de la vie, et qui les mettra à l’abri de la justice, de la colère, ou de la vengeance.

    Le sondage IFOP publié ce jeudi 16 juin marque un moment majeur de la conscience française ; sera-t-il manqué comme tant d’autres l’ont été ? Successivement, la campagne et le débat sur le  traité de Maastricht, le débat et le refus de la Constitution européenne, donnaient au gouvernement de la France la légitimité d’un ressaisissement, et à l’Union européenne, la chance d’un questionnement. La crise des dettes souveraines, dont on ne dira jamais assez combien elle est une opportunité stratégique essentielle pour ceux qui ne veulent pas d’une Europe forte, pour ceux qui veulent laisser l’Europe dans la situation coloniale qui est la sienne depuis 1945, pour ceux qui veulent affermer l’Europe à leurs intérêts et à leurs manœuvres, est une occasion analogue. Si le propre de l’humanité est bien de se constituer en sociétés politiques, singulières, autonomes, diverses, les moyens de cette singularité, de cette autonomie et de cette diversité résident d’abord dans les frontières, matérielles ou morales, qu’elles savent établir et gérer pour s’affirmer dans leur être. Les illusions de la dissolution des entités nationales dans le grand tout mondialisé, et du local dans le marché global, se dissipent à mesure que le spectre de la misère et celui du manque reviennent nous hanter. Et les Français, à plus de 70 %, tous partis et tendances politiques confondus, veulent que s’ouvre le débat sur le protectionnisme. Leur message est clair, il interpelle tous les partis. Pourront-ils s’y dérober, et d’abord ceux qui sont prompts à donner des leçons de démocratie aux autres ? La question à laquelle ils doivent répondre n’est pas celle de la politique idéale des échanges et du commerce extérieur ; la question des Français est celle du moment. Faut-il, alors que tous les pays développés se dirigent vers la croissance zéro, alors que des populations entières vont vivre des baisses de pouvoir d’achat de 10, de 20 ou de 30 % dans les prochaines années, notamment par suppression de services publics qui constituent une part importante du capital collectif européen, alors que les suppressions d’activités industrielles correspondent de plus en plus souvent à la disparition totale du pouvoir faire et du savoir faire, faut-il vraiment aller plus loin dans l’ouverture, dans le désarmement commercial et financier, dans le refus de définir nos intérêts stratégiques et de leur donner la priorité sur tout le reste ? Plus loin dans les mensonges de la concurrence et dans les illusions du sans-frontiérisme ? Plus loin dans la naïveté devant une Chine qui contrôle 75 % de son économie par l’Etat, instrument du parti, devant des Etats-Unis qui n’ont jamais transigé dès que leur intérêt national est en jeu ?

    Les fondements du débat sont limpides. Le pouvoir de l’Union européenne est d’abord celui du premier marché du monde ; l’Union sait le faire valoir, par ses normes et ses règles ; le consommateur informé de la provenance des biens et services qu’il achète saura faire valoir sa préférence pour les entreprises qui respectent l’intérêt collectif, européen ou national. Chacun sait, ou devrait savoir, que les modalités du contrôle des échanges de biens, de services et de capitaux sont complexes. Chacun sait que la hausse des tarifs douaniers remettrait en cause la doxa établie, les ayatollahs de l’OMC et leurs complices de la Commission européenne elle-même, sans parler de leurs maîtres de Washington, mais aussi le pouvoir d’achat des Européens. Chacun a bien compris que les maîtres des marchés sauront employer tous les détours de la calomnie, de l’amalgame et de la falsification pour tenter de disqualifier la volonté populaire. Car celle-ci est explicite, et massive, certes pas sur les modalités du contrôle des échanges, certes pas sur son extension et son niveau, mais sur l’urgence du débat à ce sujet. Et ceux qui n’ont à opposer à l’opinion que les dogmes de leurs intérêts doivent y réfléchir ; refuser le débat, c’est le contraindre à se dérouler ailleurs, autrement, et par d’autres moyens. L’extrémisme des libre-échangistes qui font un dogme d’une pratique économique parmi d’autres, est la vraie menace que dénoncent les Français. Souhaitons-leur de pouvoir s’informer, pour comprendre, et pour choisir. Le temps du débat est venu. Honnête, ouvert et libre, il prévient celui de la colère.

    Hervé Juvin (Regards sur le renversement du monde, 16 juin 2011)

    1 – Le sondage est consultable sur le site de l’IFOP, ou sur www.protectionnisme.eu

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